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Dernièrement, le terme Métavers a fait couler beaucoup d’encre et s’est placé en haut des tendances des moteurs de recherche. Mais il a été rapidement dépassé par l'IA ...

Alors, phénomène de mode accéléré par le rebranding de Facebook, ou véritable révolution expérientielle pour le secteur de la formation ?
Quelques éléments de réponse dans cet article.

Métavers ou Metaverse ? Un peu d’histoire et d’étymologie

Levons tout de suite le suspense : Métavers ou Metaverse, les deux orthographes sont correctes. Metaverse (avec un « e ») est le terme anglais (la contraction de « meta » : au-delà et « verse » : univers) et Métavers (sans e) l’orthographe française.

Ce terme est utilisé pour la première fois par l’auteur Neal Stephenson en 1992, dans son roman de science-fiction « Snow Crash ». Stephenson imaginait le métavers comme un monde où des avatars numériques pouvaient interagir et se connecter les uns aux autres dans des environnements en 3D. Il est donc le premier auteur à avoir défini le terme « Metaverse » devenu aujourd’hui le phénomène d’immersion bien connu de tous.

Les jeux vidéo se sont bien vite emparés de ce phénomène. Nous citerons par exemple Second Life (en 2003) et Minecraft (en 2009), deux jeux qui ont fait -et font encore- fureur en permettant aux joueurs d’explorer des mondes plus ou moins réalistes aux commandes de leur double numérique.

Le cyberespace, dont l’utilisation a été accélérée par la pandémie et les confinements, a pris une ampleur incroyable, déplaçant nos liens sociaux dans de nouveaux territoires jusqu’alors inexplorés.
Les artistes ont montré le chemin : ne pouvant plus se produire physiquement sur scène, ces pionniers expérienciels ont transcendé la contrainte en tentant (avec plus ou moins de succès) de reproduire l’impression de foule en délire dans le cyberespace. En France, c’est le Hellfest (un festival de rock) qui s’y est essayé, mais la connexion entre les utilisateurs et l’interaction ne s’est pas faite… En revanche, aux Etats-Unis, Travis Scott a offert un concert remarqué sur la plateforme de Fortnite et les Foo Fighters, un spectacle dans le métavers pour donner suite au Super Bowl.

Le secteur de la formation n’est pas en reste et le métavers fait son apparition aussi bien dans l’expérience des apprenants collaborateurs en entreprise que dans le paysage universitaire chez les étudiants.

Les avantages du Métavers en formation

Le rassemblement d’un grand nombre d’apprenants dans un espace en ligne au moyen d’un outil de visio-conférence n’est pas nouveau et les classes virtuelles font déjà partie intégrante de l’arsenal des outils fréquemment utilisés en formation.
Alors, quid des apports du métavers par rapport à la traditionnelle classe virtuelle ?
De notre point de vue, le métavers apporte tout d’abord des conditions plus favorables à l’expérience en ligne et ce, grâce à trois qualités essentielles :

  • L’immersion: l’expérience d’intégration de l’apprenant dans l’univers est plus poussée. Stéphane Diebold, Président Fondateur de l’AFFEN (Association Française pour la Formation en Entreprise et les usages Numériques), cite à ce sujet une étude PwC qui conclut que « l’apprenant immersif est jusqu’à 4 fois plus concentré que son homologue en e-learning (1,5 fois plus que celui qui suit une formation classique) avec, à la clé, un meilleur engagement et surtout une meilleure mémorisation. »
  • La proximité: les personnages sont incarnés et clairement reconnaissables dans l’espace. Cela accentue le processus d’identification au personnage, crée une meilleure adhésion et offre la possibilité d’une plus grande proximité avec les autres participants (à la fois dans l’espace mais également proximité de connivence).
  • La logique spatiale: la notion d’espace entre les différents personnages est déterminante pour les interactions dans un univers en métavers. Il est en effet possible d’interagir avec les personnages à proximité de vous, de créer des sous-salles de réunion…

Citons aussi la formidable capacité d’ouverture offerte par les métavers. Le site pedagogienumerique (https://pedagogienumerique.chaire.ulaval.ca/blogues/le-metavers-metaverse-comme-espace-de-formation/) affirme ainsi que la réalité virtuelle « peut jouer un rôle clé dans le prolongement des activités en classe (…) Les possibilités semblent infinies, que ce soit de pouvoir se situer n’importe où dans le monde, de visiter des musées ou de voir l’univers ».
Pedagogienumerique fait également référence à l’article « Tomorrow’s classroom, today » du site EdTechnology (https://edtechnology.co.uk/sponsored/tomorrows-classroom-today/) qui informe que la réalité virtuelle « peut permettre à une école ou à un collège d’aller au-delà de ce qu’ils peuvent offrir sur leur campus. Cela peut donner plus d’expériences pratiques et d’expertise qui ne sont généralement pas disponibles en classe » et conclut sur le rôle phare que ces technologies peuvent avoir dans la socialisation et la collaboration pouvant être développées par les apprenants lors d’apprentissage à distance.

Retour sur deux outils de métavers dédiés à la formation

Gather, une simplicité onirique

Imaginez-vous entrant dans la classe virtuelle du futur : ici, pas d’écran mais des arbres, un ruisseau ou bien d’autres univers motivants, le tout en style pixel art. Chaque élément de ces univers est paramétrable et vous pouvez à votre guise projeter une vidéo, partager un tableau blanc, télécharger un document etc.

Outre sa simplicité de prise en main, Gather a l’avantage d’être accessible gratuitement en ligne offrant ainsi à chacun la possibilité de créer son propre univers pour y héberger ses évènements.
https://app.gather.town/ 

Dans l’outil Gather, la notion de proximité est un élément expérientiel important. En choisissant de positionner votre avatar dans tel ou tel espace, vous avez accès à d’autres sources d’information. Il est aussi possible de communiquer par l’audio ou bien en vidéo avec les autres participants :  une fois encore, la notion de proximité dans l’espace de jeu va déterminer les personnes avec lesquelles vous pouvez interagir. Il est aussi possible de se placer dans des espaces dédiés à la prise de parole à tous les participants, à la façon d’une prise de parole magistrale sur une estrade en plénière. A l’inverse, des espaces « cloisonnés » créent l’intimité et laissent place à des discussions plus privées.

Pour le moment, Gather est principalement utilisé aux Etats-Unis et au Canada dans le secteur de l’enseignement.

Simango, un outil auteur réaliste dédié au domaine de la santé

La start-up rennaise Simango s’est positionnée sur un univers plus réaliste pour y héberger les expériences pédagogiques du secteur de la santé.

D’après cet article, https://www.centre-inffo.fr/innovation-formation/articles/se-former-dans-le-metavers-un-futur-possible  l’entreprise souhaite proposer un outil auteur afin de « pouvoir répondre à tous les besoins de formation, mais aussi, petit à petit, de se connecter à d’autres systèmes. ». Même si le fondateur de la Startup affirme que le métavers n’est pas pour demain, il ajoute « nous allons tous vers ça. Dans dix ans, le casque de réalité virtuelle sera aussi anodin qu’un smartphone ! »

Un enthousiasme novateur louable qui soulève cependant des questions quant à l’avenir de la technologie dans le secteur de la formation.

Bonus : Métavers et recrutement

Et si le Métavers avait également un véritable rôle à jouer pour détecter les talents et faciliter les recrutements ? Manpower y croit et s’est associé à Evaveo pour créer un Métavers dédié au recrutement. Une fois leur avatar sélectionné, les candidats peuvent évaluer leurs compétences en live dans des situations professionnelles ludiques et immersives. A la fin de l’expérience, un feedback ainsi que des conseils de carrières personnalisés leur sont ensuite donnés.

Les limites et défis du Métavers en formation

Des règles à définir

Qui dit nouveaux espaces clos et lieux de vie et de société, dit nouvelles règles à fixer.

La première concerne la responsabilité : quelle est la responsabilité des éditeurs sur le contenu ? Qui est responsable de ce qui se dit, notamment dans les espaces de discussions clos ? Comment encadrer les possibles débordements (violence, harcèlement…) ? Quelle modération mettre en place ? Ces questions, que chaque organisation devra se poser, sont peu ou prou identiques à celles posées aux éditeurs de réseaux sociaux.

Les règles qui devront demain encadrer le marché de la formation sont aussi à réécrire.
L’article https://www.edsurge.com/news/2022-01-24-what-could-web3-mean-for-education  dessine les limites d’un système décentralisé, plébiscité par certains acteurs de la EdTEch, et qui viendrait bouleverser les modèles économiques. Parmi eux : les crypto-entrepreneurs imaginent d’autres systèmes pour l’éducation, transformant les écoles et les sites d’enseignement en plateformes transactionnelles. Ceux-ci sont-ils meilleurs ou simplement plus rentables ?
Comme le déclare l’investisseur Balaji Srinivasan, ancien CTO de la société de cryptographie Coinbase dans une interview https://tim.blog/2021/11/17/balaji-srinivasan-2-trancript/ , tout pourrait être à vendre dans le crypto-avenir, même « des choses que nous ne pouvions jamais tarifer auparavant, comme une minute de votre temps ».

Des risques à prendre en compte

A l’heure où les enjeux énergétiques sont de plus en plus portés par chacun, il est important de prendre en compte le côté très énergivore des métavers. Réunir des centaines de personnes dans des environnements 3D en ligne est forcément consommateur de ressources et de data et nécessite une revue des infrastructures (https://www.globalsecuritymag.fr/Metavers-quelles-infrastructures,20220407,123979.html)

Par ailleurs, la question toujours épineuse de la fracture numérique est de nouveau soulevée. Selon le rapport paru sur le site Brooking, https://www.brookings.edu/research/a-whole-new-world-education-meets-the-metaverse/  « c’est en grande partie ce qui s’est produit avec l’introduction d’applications “éducatives” conçues pour être utilisées sur des smartphones et des tablettes destinés aux adultes. Aujourd’hui, alors que l’infrastructure du métavers est encore en construction, les chercheurs, les éducateurs, les décideurs et les concepteurs numériques ont une chance de montrer la voie plutôt que subir l’environnement technologique. » 

Educateurs, étudiants, sociétés et apprenants se retrouvent à faire de nouveaux calculs et à s’organiser : tous doivent définir les règles du mieux vivre ensemble et arbitrer entre des organisations traditionnelles (dont la qualité pédagogique a déjà été mesurée) et des fournisseurs décentralisés qui font miroiter la chance alléchante d’un gain financier plus élevé.

Metavers et formation : faut-il se lancer ?

Alors, évolution ou révolution ?

Soyons transparents : si le métavers a l’attrait de la nouveauté et ajoute une notion de plaisir indéniable due notamment à la gamification (ce qui est déjà très impactant), il n’offre pas, à notre avis et à l’instant T, de révolution pédagogique à proprement parler. 

Faut-il pour autant délaisser ce nouvel outil ? Trois fois non ! Il nous semble au contraire important de l’investir, de bien en comprendre les rouages pour savoir l’exploiter au mieux : se tenir formés et informés pour suivre ses possibles évolutions dans le domaine de la formation et l’utiliser dès à présent dans l’organisation d’évènements (lancements de formation …) où il a toute sa place et assurera un effet wahou !

Sources :